Chaque année ça recommence… lorsque les fjords deviennent brumeux et les montagnes orangées, que mon chat hésite à sortir dans le jardin le matin à cause du givre et que le soleil aveugle de cette intensité si spéciale en soirée (enfin… quand il fait beau…), l’irrépressible envie d’offrir à l’automne la bande son qu’il mérite se fait invariablement sentir.
Vivant en Norvège depuis bientôt 10 ans (skål!), il m’est également peu à peu devenu impensable de ne pas saisir cette opportunité offerte par les paysages qui m’entourent de transcender certains albums. Ruinen de Waldgeflüster est justement un de ceux-là. Un album qui, telle une célébration de l’automne et des premières gelées nocturnes, prend tout son sens et expose toute sa grandeur au cours d’une sortie en forêt (libre à vous de cueillir des champignons par la même occasion) ou d’une marche sur une montagne à la végétation déjà endormie.
Waldgeflüster m’avait déjà impressionné il y a deux ans avec l’excellent Meine Fesseln, puis avec leur split avec Panopticon cette année, mais j’étais à des lieues de m’attendre à un tel successeur. Majestueux de bout en bout, Ruinen captive par ses atmosphères et sonorités mariant à merveille folk, black metal et post-rock (rappelant parfois Agalloch du temps de leur splendeur, mais en plus direct et agressif, voire parfois Winterfylleth) et ne relâche jamais l’étreinte au cours de ses 60 minutes, en grande partie grace à niveau d’écriture et une maturité indéniable. Alternant à merveille mid tempo et blasts furieux, riffs ascerés et passages acoustiques délicats, la musique de Waldgeflüster se démarque surtout par cet incroyable propension à produire un sentiment profond de mélancolie, et ce sans jamais le faire au détriment de la puissance et d’un certain caractère épique inhérent à l’ensemble de Ruinen.
Le chant de Winterhertz est quant à lui assez unique et remarquable, souvent bien loin des clichés du genre: habité et chargé d’émotion même lors des parties les plus typées black metal, il présente toujours (et pas seulement lors des passages avec chant clair) cette touche personnelle aisément reconnaissable et qui manque à tant de vocalistes (moi qui ai toujours eu un peu de mal avec les groupes chantant dans la langue de Goethe, je n’aurais jamais cru pouvoir ressentir de telles émotions en écoutant un album en allemand…). Sa capacité à composer des mélodies à la fois accrocheuses et mémorisables n’étant qu’une autre facette de son talent indéniable.
Certains pourront penser que ces quelques lignes dithyrambiques ne sont que la conséquence du fantastique concert de Waldgeflüster auquel j’ai pu assister à Stockholm il y a quelques jours (au Nordvis Höstfest, qui est soit dit en passant un des meilleurs festivals actuels pour peu que vous aimiez les musiques un peu sombres comme moi)… hé bien même pas… croyez-moi si vous le voulez mais j’aurais pu écrire avec la même excitation de fanboy prépubère il y a un peu plus d’un mois lorsque j’ai écouté cet album pour la première fois. Alors souvenez-vous bien de ce conseil avisé, la prochaine fois qu’une lumière ambrée vient éclairer la chaussée humide et que l’odeur des feuilles au sol vous titille les narines, ajoutez-y une touche de Waldgeflüster et vous vous mettrez irrésistiblement à danser tout(e) nu(e) avant de vous rouler dans les feuilles en buvant une bière à ma santé! Skål!
Note: 9/10 (sortie le 14 octobre 2016)
www.nordvis.com/store (pour l’acheter)
https://blackmetalwaldgefluester.bandcamp.com/ (pour l’écouter et l’acheter)