A la sortie de Believe in no coming shore il y a un peu plus de deux ans, je pensais sincèrement que la musique de Falls of Rauros avait atteint sa pleine maturité, tant cet opus m’avait alors impressionné par sa finesse, sa liberté de style et son excellence. J’attendais donc son successeur comme une confirmation du talent des américains sans nécessairement pouvoir imaginer qu’il puisse constituer un nouveau grand pas en avant.
Petit imbécile naïf que je fus…
Je me souviendrai longtemps de cette matinée de janvier au cours de laquelle j’ai écouté Vigilance perennial pour la première fois (au moins trois fois de suite, soyons clair…). la musique à ce pouvoir de nous imprimer d’images, de sensations et de lieux de facon indélébile. Eh bien je peux vous assurer que je ne suis pas prêt d’oublier Bergsjøstølen et son lever de soleil sur la glace!
De la première à la dernière note, cet album n’est qu’équilibre et maitrise, je n’avais pas été donnée d’entendre une si parfaite alliance entre émotion et technicité, mais aussi mélodie et dissonance, depuis le magistral chant du cygne de Death (The sound of perseverance, 1998). Tout y est sous contrôle, la musique est dense, intense et progressive mais jamais chaotique. Le groupe sait où il va et ne se perd jamais en route, enchainant les titres empreints de cette atmopshère nous transportant au coeur des forêts côtières du Maine chères à Thoreau tout en offrant une nouvelle lecon de post-black metal qui prend aux tripes.
L’intégralité des ces petits détails faisant la force de Falls of Rauros sont de retour, à commencer par ce son organique et délicieusement vintage paufiné au fil des albums, ou encore ces soli aériens contrastant avec les vocaux mêlant rage et désespoir (« White granite », « Impermanence streakt through marble »). De même (sur « Labyrinth unfolding echoes » notamment), on pense parfois au meilleurs passages de The light that dwells in rotten wood et on retrouve avec plaisir ces cavalcades telluriques soulignées par la batterie captivante de Ray. Autre élément notable, Les parties finales des quatre morceaux principaux de Vigilance perennial sont, à l’instar de bon nombre de titres de la discographie de Falls of Rauros, de somptueux pics d’intensité qui ne tombent jamais dans l’écueil du trop plein d’agressivité.
L’autre force de cet album est qu’il surprend également par une somme de petits détails ou de subtilités: un riff à la Darkthrone, un passage acoustique tout en retenue et en délicatesse, un son de clochette… La richesse de la musique n’en devient que plus flagrante au fil des écoutes. Grande nouveauté s’il en est, l’usage du piano et de nappes de claviers apportent au son une densité et une grandeur quasi orchestrale (« Arrow and kiln ») et offrent des moments de toute beauté (tels que la fabuleuse intro de « Impermanence streakt through marble » avec son piano binaire à la Philip Glass ou celle de « Labyrinth unfolding echoes », planante et zen, qui va vous donner envie de nager nu(e) au milieu des dauphins).
A l’image de son sublime artwork (par Solfjall Design), Vigilance perennial est un monument de granite, une ode à la nature sur fond de riffs acérés, fruit du labeur d’un groupe unique au sein d’une scène post-black metal saturée. Se présentant comme l’oeuvre la plus progressive de Falls of Rauros, il n’en reste pas moins leur album le plus direct, puissant et intense à ce jour. Plus de trois mois après cette écoute inaugurale sur le Hardangervidda, je peine encore à lui trouver un véritable défaut… Puisse-t-il en être de même pour vous!
Note: 10/10
Sortie le 31 mars 2017
www.nordvis.com
www.fallsofrauros.bandcamp.com